L'estime de soi chez les mères et martyrisme dans le Sud Chiite du Liban

Abstract

Au Liban, la guerre civile s'est terminée depuis 25 ans. Mais de nombreux libanais sont prisonniers d'une guerre psychologique sans fin. Rares sont ceux qui parviennent à briser le cycle de la violence pour sen sortir. Suite aux observations faites durant ma pratique en psychologie au Sud du Liban, l'idée de la guerre envahit toujours l'esprit des gens. De nombreux jeunes hommes du Sud, traversent la bordure de leur pays pour combattre les terroristes à la recherche de la valeur du martyrisme. Tandis que la femme transmet les valeurs religieuses et socio-culturelles aux enfants, sous lattente d'être 'Oum El Chahid ' et cela valorise donc son identité dans la communauté Chiite au Sud du Liban. Le Chahid s'est assuré, et peut-être sa famille aussi, une place au Paradis. En d'autres termes, ce défunt n'est pas comme les autres décédés. La jubilation qui accompagne ses funérailles n'exprime pas sincèrement l'état psychologique de ses parents, et en particulier celui de sa mère. Sa mère exprime sa fierté à travers le martyrisme de son fils et elle est toujours prête à présenter son autre fils pour le martyrisme. Pour William James, l'identité s'exprime en terme d'appartenance à des catégories sociales et que chaque sujet ne peut s'identifier qu'en utilisant des systèmes d'identifications qu'il intériorise tels qu'ils sont donnés par la société et par les groupes avec lesquels il interagit dans le cours de sa vie (James, 1890). L'intérêt de cette recherche est d'explorer le thème du martyrisme et plus précisément de voir si son rôle est important dans l'expression de l'estime de soi des femmes dont l'enfant est martyr. Ainsi, une étude comparative a été établie entre les « Oum El Chahid » et les mères des enfants non martyrs. Parmi les motifs de fierté de ces femmes, nous identifions une recherche d'idéal de Soi et d'un idéal communautaire. Ainsi qu'une fuite du monde réel vers un monde meilleur. Ce statut d « Oum El Chahid » représente pour ces dernières le Soi idéal, ce quelles souhaiteraient être. Le martyrisme se rapproche ainsi de la notion d'idéal et valorise ainsi ces femmes, vu que le regard de la société va les assimiler à leur fils qui est considéré comme un héros. Malgré cette valorisation, l'estime de soi des mères de martyres est nettement inférieure à celle des mères du groupe contrôle. « Oum El Chahid » se montre forte mais en dedans elle est faible.Une étude comparative de l'estime de soi des mères Chiites du Sud du Liban dont un de ses enfants est martyr comparée à celui des autres mères Chiites n'ayant pas un enfant martyr, a été entamé. Toutes ces femmes sont libanaises et en même temps Chiites, âgées entre 40 et 55 ans. Elles ont au moins un fils qui a l'âge de combattre (18 ans et plus). La collecte des données a eu lieu au Sud du Liban à travers un questionnaire rempli par la technique papier-crayon. Le questionnaire consiste 20 questions et dure entre 15 et 30 minutes. L'anonymat des participantes étaient respecté. Les données sont ensuite insérées, sauvegardées dans le logiciel SPSS et ensuite analysées. Ces 20 items visent à évaluer les 5 dimensions de l'estime de soi : le soi émotionnel, le Soi social, Soi professionnel, le Soi de l'apparence corporelle et le Soi futur. D'après les résultats obtenus, dans les cinq dimensions de l'estime de soi, le score du Soi émotionnel est le seul le plus élevé chez les mères des martyres que chez les autres mères.